I – Première approche mathématique de la musique :

A) La construction des gammes et des échelles

1. Les différentes échelles :

La musique occidentale actuelle est fondée sur une échelle de notes que l’on nomme do, ré, mi, fa, sol, la, si, et sur deux signes : ♯ (dièse) et ♭ (bémol). À partir de do, par exemple, les notes successives sont : do, do dièse ou ré bémol, mi, fa, fa dièse ou sol bémol, sol, sol dièse ou la bémol, la, la dièse ou si bémol, si. Puis on recommence avec un nouveau do, mais une octave au-dessus du premier.

Sur un piano, les notes blanches sont : do, ré, mi, fa, sol, la, si, do ; les notes noires correspondent aux dièses et aux bémols. Cependant, certaines notes, comme do dièse et ré bémol semblent avoir deux noms. C'est parce que le système actuel est le résultat d’une longue évolution ; c’est un compromis qui s’est finalement établi après une histoire qui a commencé avec les pythagoriciens, en Grèce antique.

L'échelle de Pythagore

Pythagore utilisa pour construire son échelle 3 rapports simples : 2/1 ; 2/3 ; 3/4. Le premier est appelé l'octave, le second la quinte et la troisième la quarte. Ainsi, si nous construisons un monocorde simple, si la note de base est de longueur 1, l'octave sera celle de longueur 2/1, sa quinte sera la corde de longueur 2/3 et sa quarte celle de longueur ¾ :


De même, la note jouée par la corde de longueur ½ est aussi l'octave, car l'octave est obtenue si on divise ou multiplie la longueur par 2.


On sait maintenant que, pour une tension égale pour chaque corde, le son obtenu par une corde de longueur 2/3 correspond à la fréquence de la note initiale multipliée par 3/2, soit l'inverse. Si nous partons alors d'un DO de rapport 1, nous pouvons construire une première échelle :

Note

DO 3

SOL 3

RE 4

LA 4

MI 5

SI 5

Rapport

1

3/2

(3/2)2 = 9/4

27/8

81/16

243/32


Si nous considérons la gamme majeure, nous remarquons qu'il nous manque le FA. Deux méthodes, en fait similaires, s'offrent à nous :

  • Nous pouvons dire que le DO 3 est la quinte du FA 2, donc nous divisons 1 par 3/2 : d'où FA 2 a pour rapport 2/3

  • Nous pouvons aussi considérer la FA 3 comme la quarte du DO 3, donc nous multiplions par 4/3, d'où FA 3 vaut 4/3 (ce qui équivaut au FA 2 mais multipliée par 2, donc son octave)

Ainsi, en multipliant ou divisant par 2 les différents rapports, nous pouvons ramener tous les rapports entre 1 et 2, et ainsi construire la gamme majeure pythagoricienne, avec pour repère la LA 3 qui vaut 440 Hz :

Note

DO 3

RE 3

MI 3

FA 3

SOL 3

LA 3

SI 3

DO 4

Rapport

1

9/8

81/64

4/3

3/2

27/16

243/128

2

Fréquence (en Hz)

260,74

293,33

330

347,65

391,11

440

495

521,48


Nous pouvons voir ici que la gamme majeure, et donc par ailleurs l'échelle décrite par Pythagore, est construite par succession de quintes pures : on prend une note fondamentale, puis sa quinte, puis la quinte de la quinte, etc... Le but de créer une telle échelle est, tout d'abord, que les notes jouées vont consoner, et d'avoir plusieurs notes qui, au bout de x notes, vont former une boucle : en prenant la quinte de la xième quinte, on retombe sur la fondamentale. Mais il se pose alors un problème mathématique dans cette échelle. En effet, lorsque nous cherchons des successions de quintes afin de pouvoir « boucler » les notes et construire une échelle juste, nous avons seulement des produits de facteur 2/3. Or nous cherchons à ce que ce produit de facteur soit le plus proche de 1, soit :

  avec  

Or 2 et 3 étant chacun des nombres premiers, et la décomposition en nombre de facteurs premiers étant unique, on ne tombera jamais exactement sur 1, ni sur 2. Cette échelle a ainsi été utilisée jusqu'au XVIe siècle, car durant le moyen-âge les quintes étaient fortement utilisées, mais fût délaissé lors de la Renaissance.

L'échelle harmonique

Avec les progrès de la science, nous nous sommes rendu compte que lorsque l'on jouait une note de musique de fréquence f, le son obtenu n'était jamais pure, c'est-à-dire que son oscillation n'était jamais parfaite. En effet, plusieurs autres notes viennent d'ajouter à cette note principale, de fréquences 2f, 3f, 4f, 5f, etc... Ce sont les sons harmoniques de cette note.

Nous pouvons dresser le tableau des harmoniques naturelles de DO, en prenant comme base une fréquence de 66 Hz :

Rapport des fréquences

1

2

3

4

5

6

7

8

9

10

11

12

13

14

15

16

Fréquences

66

132

198

264

330

396

462

528

594

660

726

792

858

924

990

1056

Notes

DO

DO

SOL

DO

MI

SOL


DO

RE

MI


SOL




DO


Nous pouvons mettre le nom des notes car nous retrouvons plusieurs choses :

  • La quinte du DO qui est aussi bien de rapport 3/2, que du double : 3, 6, 12, …

  • La quinte du SOL, le RE, qui est aussi bien de rapport 9/8 que 9/4 ; 9/2 ; 9 ; 18 ; …


Cependant, nous notons l'apparition d'une nouvelle note : le MI, qui est la tierce majeure du DO, note exploitée par Zarlino.

L'échelle Zarlinienne

Grâce à cette échelle harmonique, nous avons pu définir les notes pures, comme les quintes pures, mais aussi d'autres notes naturelles, comme la tierce majeure. Zarlino découvrit que la tierce majeure était présente naturellement dans la musique et avait une fréquence de rapport 5/4. Ce qui posait problème par rapport à l'échelle de Pythagore, c'est qu'il n'y avait aucune tierce majeure juste : le rapport qui s'en approchait le plus était de 81/64, or 5/4 = 80/64. Il y a donc un rapport de 1/64 de différence, ce qui n'est pas appréciable. En effet, cette tierce majeure est très importante depuis la Renaissance car c'est grâce à elle qu'est construit l'accord parfait, comprenant les premières notes qui apparaissent dans les harmoniques naturelles : pour le DO, c'est DO MI SOL.

Remarque : nous remarquons aussi l'accord parfait mineur : MI SOL SI

Nous pouvons alors construire la gamme majeure selon Zarlino, tout en conservant quelques notes de Pythagore :

Note

DO 3

RE 3

MI 3

FA 3

SOL 3

LA 3

SI 3

DO 4

Rapport

1

9/8

5/4

4/3

3/2

5/3

15/8

2

Fréquence (en Hz)

264

297

330

352

396

440

495

528


Nous avons ici obtenu la LA 3 en prenant la quarte du MI 3 : 5/4 * 4/3 = 5/3 ; et le SI 3 en prenant sa quinte.

Le problème qui ce pose alors est un problème d'intervalles. En effet, nous pouvons voir qu'il en existe ici de trois sortes :

  • 9/8 entre le DO et le RE, entre le FA et le SOL et entre le LA et le SI : le ton majeur zarlinien

  • 10/9 entre le RE et le MI, entre le SOL et le LA : le ton mineur zarlinien

  • 16/15 entre le MI et le FA et entre le SI et le DO : le demi-ton majeur zarlinien


Nous remarquons qu'il y a deux tons différents. Sans même essayer de bâtir une gamme chromatique (à 12 notes, qui comprend les dièse et/ou les bémols) qui serait obligée d’amalgamer certaines notes très proches pour n’en garder que 12, il est clair que la présence de ces différents types d’écarts rendra le problème de la transposition, déjà impossible chez Pythagore, tout aussi irréalisable : si par exemple nous jouons, dans l'ordre, les notes DO, RE, MI, FA, SOL, LA, SI, DO, cela ne sonnera pas du tout pareil que si nous jouons RE, MI, FA, SOL, LA, SI, DO, RE, car les intervalles entre les notes ne sont plus dans le même ordre.

L'échelle bien tempérée

Afin de remédier à ce problème de la transposition, il faudrait trouver une échelle, et ainsi une gamme, où chaque intervalle serait égale sur les douze notes utilisées, ou qu'il n'y ait que deux intervalles différents sur la gamme majeur. Par exemple, entre le DO et le DO# et entre le MI et la FA, il y ait un demi-ton qui soit égale, de même qu'entre le DO et le RE et entre le RE et le MI, il y ait un même intervalle, un ton, qui serait égale à deux demi-tons.

Bach est aujourd'hui considéré comme l'inventeur d'une échelle mathématique permettant cela, ce qui est notamment décrit dans son oeuvre : Le clavier bien tempéré. On nous y explique que chaque demi-ton doit être égal à 21/12. Il en découle le tableau suivant :

Note

DO 3

RE 3

MI 3

FA 3

SOL 3

LA 3

SI 3

DO 4

Rapport

1

21/12

21/12

21/12

21/12

21/12

21/12

21/12

Fréquence (en Hz)

261,625

293,67

329,63

349,22

391,99

440

493,88

523,25


Cette échelle a pour avantage de permettre une transposition excellente, mais cependant nous remarquons qu'il n'y a aucune quinte juste, ni tierce majeur, ni quarte, ce qui pose certaines problèmes aux puristes, et suscita de nombreux débats lors de son acceptation.

Pour étayer cette affirmation, nous pouvons écouter la différence entre le tierce majeures des trois échelles étudiées :

Selon Bach
Selon Pythagore
Selon Zarlino


A partir du 16e siècle, on a tenté de construire des instruments à clavier qui avaient un nombre plus important de touches, avec par exemple un DO# et un RÉb. Mais cela complique beaucoup le jeu de l'interprète, et cela n'a pas perduré. Toutefois, à cause du besoin actuel de retrouver une intonation juste, cette recherche est à nouveau bien vivante, avec une technologie et une approche différentes. Le guitariste D. Aschour joue sur une guitare dont le manche possède des frettes interchangeables en intonation juste :



Nous avons vu que les échelles, ce qui constitue véritablement la musique, étaient construites à partir des mathématiques, que ce soit sous forme de fractions ou de nombre réels. Nous allons maintenant nous intéresser à quelques gammes.

2. Quelques gammes :

Afin de définir les gammes, nous allons les présenter sous forme de succession d'intervalles dans un ordre bien précis. Par exemple, pour la gamme de DO majeur, les notes étant DO RE MI FA SOL LA SI DO, les intervalles entre les notes sont de : 1 ton (entre DO et RE), 1 ton (entre RE et MI), ½ ton (entre MI et FA), etc...

Gamme majeur :

1 ton - 1 ton - 1/2 ton - 1 ton - 1 ton - 1 ton - 1/2 ton

Exemple : gamme de DO majeur : Do - ré - mi - fa - sol - la - si – do

Exemple sonore (plus un extrait de la Toccata de Paradisi)


Gamme mineure harmonique :

1 ton - 1/2 ton - 1 ton - 1 ton - 1/2 ton - 1 ton et demi - 1/2 ton

Exemple : gamme mineure harmonique en La : La - si - do - ré - mi - fa - sol♯ - la

Exemple sonore en DO (plus un extrait de la Badinerie de J. S. Bach)


Gamme mineure mélodique :

1 ton - 1/2 ton - 1 ton - 1 ton - 1 ton - 1 ton - 1/2 ton

Exemple : gamme mineure mélodique en La : La - si - do - ré - mi - fa♯ - sol♯ - la


Gamme pentatonique majeure :

1 ton - 1 ton - 1 ton et demi - 1 ton - 1 ton et demi

Exemple : gamme pentatonique majeure en Do : do - ré - mi - sol – la


Gamme pentatonique mineure :

1 ton et demi - 1 ton - 1 ton - 1 ton et demi - 1 ton

Exemple : gamme pentatonique mineure en Do : do - mi♭- fa - sol - si♭ - do

Exemple sonore


Il existe bien entendu bien d'autres gammes, mais nous ne les détaillerons pas ici.

BINET Armand - DIA Miléna - GOTCHAC Nicolas - SOUTY Tom

TPE de Tale S - Lycée La Source - 2009/2010